Créé par Les Amis de l’Eldo il y a 19 ans, le festival Fenêtres sur courts -qui ouvrira sa nouvelle édition dans quelques jours- est aujourd’hui porté par l’association Plan 9. Entretien avec Elen Bernard, responsable hyper-passionnée de la programmation, autour de ce genre cinématographique empreint de liberté.
Vous recevez énormément de films, comment se passe la sélection ? On en reçu beaucoup oui, mais on se limite à 1000. Il y a un comité de sélection qui bosse là-dessus. Sur les 1000, j’ai du en visionner 800. Tous les films doivent être vu par au moins 3 personnes. Plusieurs personnes forment ce comité, qui se divise selon les différentes catégories : Europe, région, humour et comédie, etc. Sur tous les films qu’on reçoit, il y a énormément de différences de niveau, surtout avec l’arrivée du numérique. On les reçoit à partir du 15 mars et on visionne jusqu’au 15 juillet. On a des fiches par paquet de 5 films et on inscrit dessus nos notes : A, B et C, avec des appréciations. S’il y a plus de 3 C, le film ne sera pas pris. Lorsqu’il y a des B, ça veut dire qu’il faut que quelqu’un d’autre le regarde. Et les A, c’est pour le coup de coeur que tu vas défendre lors de la réunion. C’est vers la fin juillet qu’on se réunit tous par comités de sélection. On discute en gros de tous les films qui ont reçu des A et des B. Et sur les 800 que j’ai visionnés, j’ai du mettre seulement 10 A…
Dans ce que tu as vu, qu’est-ce qui a fait mouche ? Je n’ai pas vraiment de critère quand je visionne un film. C’est un ressenti… sur une image, sur un sujet, sur le jeu d’un acteur, sur la mise en scène. Là, un film qui m’a marqué, c’est L’être venu d’ailleurs. Pour le coup, je l’ai regardé 2 fois. C’est un plan fixe, un documentaire de 18 minutes. C’est tellement bien cadré, la lumière est magnifique, avec ce personnage choisi, une prostituée qui raconte sa vie. Elle a 70 ans et vient de Belgique. C’est exceptionnel ce film, alors qu’au final, il n’y a presque rien quand tu le regardes…
Cette année vous faites un focus sur la scène suisse. C’est quoi sa particularité ? On ne s’y attend par forcément… C’est vrai qu’on n’en parle pas beaucoup. Même en long métrage, à part Godard qui est Suisse… Mais il y a quand même de grosses écoles de cinéma, comme l’école de Lausanne. On avait envie de faire un focus sur ce tout petit pays dont on ne parle pas beaucoup et qui a une production étonnante dans certains domaines. Puis nous avons deux administrateurs de Plan 9 qui sont programmateurs d’un festival en Suisse… Pour les 20 ans du festival, l’an prochain, je rêve de faire un focus sur la Nouvelle-Zélande et l’Australie.
Avec Fenêtres sur courts, il y a aussi un travail fait auprès des lycéens. Depuis l’an dernier, on a décidé de travailler avec les scolaires et aussi de faire un jury « lycéen » avec les élèves du Castel en option cinéma. Cette année, comme c’était les 10 ans de Lycéens et apprentis au cinéma, j’avais envie d’aller en classe pour parler de courts-métrages, et la meilleure façon de faire était de créer un atelier de programmation de courts. On ne va pas apprendre à faire des films car on n’a pas ces compétences. Par contre, on se dit qu’avant de savoir faire un film il faut déjà savoir le regarder, l’apprécier. Savoir pourquoi on aime ce film et pas un autre, avoir un esprit critique, être curieux pour aller voir certains films et pas d’autres. Non pas qu’il existe un cinéma mieux qu’un autre…
Avec le court-métrage c’est beaucoup plus facile de montrer plein de genres différents, c’est facile d’accès. On a donc monté cet atelier de programmation. Ils devaient faire des choix, savoir pourquoi ils prennent ce film plutôt qu’un autre, etc. Puis les confronter entre eux car ils n’ont évidemment pas le même avis. Lorsqu’ils vont présenter leur séance pendant le festival, il faudra savoir la défendre. C’est intéressant aussi de voir quel film un collégien ou un lycéen va aimer par rapport à un adulte. Par exemple, lorsque je leur ai montré mon coup de coeur de l’an dernier, ils ont tous trouvé ça super nul !
Tu bosses dans une asso de ciné, quel regard tu portes sur l’offre à Dijon ? Certains disent qu’il y a trop de salles… Ah, moi j’aime bien au contraire. Pour le public en tout cas, c’est bien qu’il y ait plein de films ! Ce que je déplore, c’est la guerre entre tous les opérateurs… Mais bon, je comprends. Il y a des grands groupes, il y a l’Eldo qui est un petit ciné indépendant. Mais je pense qu’il y aurait moyen de s’entendre pour faire les choses ensemble. Après, je trouve qu’il y a une super qualité de propositions à Dijon. Entre l’Eldo et le Devosge, ce sont des gens qui aiment le ciné, clairement. En comparaison, à Besançon qui est une ville légèrement plus petite que Dijon, ils n’ont rien.
Qu’est-ce qu’il te manque à Dijon ? Du court-métrage, encore plus de court-métrage ! (rires) Un rendez-vous mensuel, une programmation sur l’année en court-métrage, ça serait super. Sinon, je rêverais de faire une nuit de l’animation au Grand Théâtre, c’est un projet… Mais il y a encore plein de choses à développer je pense. Ah et sinon dans l’offre, je trouve que depuis 2 ans, il y a une belle relève en terme de réalisation et de production locale. Je pense notamment à des gens comme Jean-Baptiste Fauconnier et son court L’Addition. Les mecs de Lèche Bobines se donnent les moyens. J’ai vu aussi qu’il y avait une nénette, Marion Berry, qui faisait un film. Il y a vraiment du potentiel en région…
D’où te vient cette passion pour le court ? Ça date de l’école je pense, quand je faisais des études de ciné, on devait réaliser des courts. Je trouvais le format super intéressant, et déjà à la base j’aimais vachement le clip. Je me souviens que j’enregistrais les clips sur M6… C’est comme ça que j’ai découvert les Gondry, les Spike Jonze. C’est un format où tu peux oser et beaucoup de réalisateurs connus y retournent car c’est plus libre, il n’y a pas d’interdit. Avec très peu de moyen et de temps, tu peux dire des choses hyper fortes. C’est un genre aussi qui fait appel à plein de techniques différentes, de l’experimental, du mélange fiction-animation… On est clairement sans limite. Alors que sur le long-métrage, tu as la prod’, les chaines de télé qui peuvent te mettre des barrières et te dire « Ouais mais nan… » Au final, le court, c’est la distraction…
– Propos recueillis par P.-O.B
Fenêtres sur courts, du 1er au 8 novembre à Dijon. Plus d’informations ici.
Photo en une : La Femme qui flottait, de Thibault Lang-Willar
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